Dans son nouveau film La Princesse et La Grenouille, Disney semble vouloir faire machine arrière, retourner à des méthodes de création plus traditionnelles, à des formes d'animation plus anciennes. Plastiquement, on assiste au retour de la bidimension, et des bons vieux crayonnés. Esthétiquement, on est au plus proche de la comédie musicale, on retourne à des scènes très music-hall, avec des héros qui se remettent à chanter, des décors très graphiques et chorégraphiques, et un univers Nouvelle Orléans des années 20 qui ne peut que rendre ces choix encore plus pertinents.
Jusqu'où bousculer les vieilles valeurs ?
Les bonnes vieilles valeurs de la famille s'affichent dès le début. Les parents modèles, les amies fidèles sont au rendez-vous, bien trop beaux pour être vrais. D'ailleurs, la mort du père est hyperprévisible. Après avoir sorti une phrase aussi "mémorable" que "N'oublie jamais ce qu'il y a de plus important...", il ne pouvait que mourir! Mais tout ces baratins merveilleux, Disney ne les a jamais mis de côté, ce sont des incontournables, les marques de fabrique presque! Alors qu'y a-t-il d'étonnant dans ce film?
Ce qui est vraiment remis au goût du jour, ce sont les formes traditionnelles du conte occidental. Disney ne s'est jamais privé de mettre son grain de sel dans les versions de Perrault ou de Grimm. Mais cette fois c'est vraiment très salé! Car retour vers le passé ne signifie pas absence d'innovation.
Linfluence PIXAR ne reste pas loin...
Tout le monde aura remarqué la princesse noire. Mais rien de bien surprenant non plus. Il ne manquait plus qu'elle pour succéder à Mulan, Jasmine et Pocahontas. Non, la grande audace est à chercher ailleurs, plutôt du côté des remaniements ironiques des personnages-type et des codes traditionnels du conte. Sans égaler pour autant Shreck, les ficelles du conte initial sont coupées aux ciseaux. L'humour un peu satirique des productions PIXAR - qui reste malgré tout présent dans ce film - y est sans doute pour quelque chose.
Des figures-types remaniées
La figure de la princesse est tenue par Charlotte tout au long du film. Mais elle est un peu trop aguicheuse et excentrique pour endosser entièrement le rôle. Il lui manque la pondération de son amie Tiana. Son bal est un vrai fiasco, tout comme le défilé de Mardi-gras qui doit faire office de mariage (question spectacle, on est loin du Charivari de Notre Dame de Paris, ou du défile du Prince Ali!)et son mariage tombe à l'eau.
Celui qu'on appelle Prince n'en a l'allure qu'à la fin. Il n'a ni château ni fortune, et ses parents l'ont renié.
Le fait que ce soit la pauvrette qui devienne princesse n'a rien d'exceptionnel. Cependant, son destin de princesse n'a jamais été son rêve. Son seul rêve est celui que son père n'a pas pu exaucer: ouvrir un superbe restaurant. Nous voilà donc face à une princesse moderne, une femme active, une travailleuse, plus ambitieuse que rêveuse(pas comme Cendrillon!). En somme, elle vole à sa meilleure amie ET la vedette (puisque c'est Charlotte qui rêvait d'épouser un prince) ET un peu d'argent (puisque c'est Charlotte qui aide Tiana à payer son restaurant). Mais fi de la psychologie réaliste! Charlotte n'est qu'un personnage secondaire, on lui laisse sa joie de vivre à la fin du film et on ne pose pas de question sur son avenir! Et puis Tiana n'est pas non plus une arriviste. Elle n'a jamais fait la quête auprès de son amie et n'a pas fait exprès de lui chipper son homme, à ce qu'on sache!
Le conte déconstruit
Enfin, notons que le film commence à nouveau par une référence au conte initial, mais effectue cette référence d'une façon toute nouvelle. Le dessin animé ne commence pas par l'ouverture d'un vieux livre à reliure de cuir, à enluminures, aux illustrations suranées... comme c'était le cas dans Pinnochio ou Blanche Neige. Mais il commence dans une chambre d'enfant, par la lecture du conte du Roi Grenouille aux deux petites filles qui vont revivre à leur manière cette histoire, quinze ans plus tard. Le fait que la fin du conte soit annoncée dès le début du film nous laisse entendre que ce n'est pas exactement la même histoire qui va nous être racontée par la suite (il n'y aurait plus de suspens si la fin était la même!). Cette entrée en matière affiche donc immédiatement une distance prise par Disney à l'égard du conte traditionnel.
Des efforts de réalisme
Ce qu'il y a de vraiment remarquable dans ce film est sans doute son ancrage historique, encore trop rarement vu chez Disney. On a eu la colonialisation avec Pocahontas, l'invasion des Huns avec Mulan. Ici, pas de dates ni d'événements réels ne viennent interférer avec l'intrigue. On est cependant plongé dans une vraie époque, les années folles à la Nouvelle Orléans, plutôt cohérent pour faire entrer une héroïne noire et redonner à la musique toute son importance. D'infimes détails traduisent un souci d'authenticité, l'anachronie semble assez bien évitée, et quelques illustres noms du jazz sont évoqués ça et là, discrètement...
Reprises maladroites ou rétrospective intelligente ?
Le retour en arrière qui m'a cependant le plus marquée est la reprise de nombreuses scènes d'autres dessins animés Disney. Ce phénomène trahit-il une difficulté à se renouveler, un penchant pour la solution de facilité et les scènes archétypales, ou la volonté d'inscrire ce film dans une esthétique de rétrospective sur les chefs d'oeuvre Disney passés?
Je pense qu'en reprenant des scènes antérieures, la réalisation ne cède pas à la facilité mais marque au contraire la volonté de se renouveler sans pour autant utiliser la nouvelle technologie (3D,etc). Si la Princesse et la Grenouille semble donner lieu à une rétrospective, cette dernière est aussi enrichie par une réflexion moderne. Voilà plusieurs exemples qui approuvent ou discutent ce point de vue:
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