samedi 1 mai 2010

Audace et tradition


Dans son nouveau film La Princesse et La Grenouille, Disney semble vouloir faire machine arrière, retourner à des méthodes de création plus traditionnelles, à des formes d'animation plus anciennes. Plastiquement, on assiste au retour de la bidimension, et des bons vieux crayonnés. Esthétiquement, on est au plus proche de la comédie musicale, on retourne à des scènes très music-hall, avec des héros qui se remettent à chanter, des décors très graphiques et chorégraphiques, et un univers Nouvelle Orléans des années 20 qui ne peut que rendre ces choix encore plus pertinents.

Jusqu'où bousculer les vieilles valeurs ?


Les bonnes vieilles valeurs de la famille s'affichent dès le début. Les parents modèles, les amies fidèles sont au rendez-vous, bien trop beaux pour être vrais. D'ailleurs, la mort du père est hyperprévisible. Après avoir sorti une phrase aussi "mémorable" que "N'oublie jamais ce qu'il y a de plus important...", il ne pouvait que mourir! Mais tout ces baratins merveilleux, Disney ne les a jamais mis de côté, ce sont des incontournables, les marques de fabrique presque! Alors qu'y a-t-il d'étonnant dans ce film?
Ce qui est vraiment remis au goût du jour, ce sont les formes traditionnelles du conte occidental. Disney ne s'est jamais privé de mettre son grain de sel dans les versions de Perrault ou de Grimm. Mais cette fois c'est vraiment très salé! Car retour vers le passé ne signifie pas absence d'innovation.

Linfluence PIXAR ne reste pas loin...

Tout le monde aura remarqué la princesse noire. Mais rien de bien surprenant non plus. Il ne manquait plus qu'elle pour succéder à Mulan, Jasmine et Pocahontas. Non, la grande audace est à chercher ailleurs, plutôt du côté des remaniements ironiques des personnages-type et des codes traditionnels du conte. Sans égaler pour autant Shreck, les ficelles du conte initial sont coupées aux ciseaux. L'humour un peu satirique des productions PIXAR - qui reste malgré tout présent dans ce film - y est sans doute pour quelque chose.


Des figures-types remaniées

La figure de la princesse est tenue par Charlotte tout au long du film. Mais elle est un peu trop aguicheuse et excentrique pour endosser entièrement le rôle. Il lui manque la pondération de son amie Tiana. Son bal est un vrai fiasco, tout comme le défilé de Mardi-gras qui doit faire office de mariage (question spectacle, on est loin du Charivari de Notre Dame de Paris, ou du défile du Prince Ali!)et son mariage tombe à l'eau.
Celui qu'on appelle Prince n'en a l'allure qu'à la fin. Il n'a ni château ni fortune, et ses parents l'ont renié.

Le fait que ce soit la pauvrette qui devienne princesse n'a rien d'exceptionnel. Cependant, son destin de princesse n'a jamais été son rêve. Son seul rêve est celui que son père n'a pas pu exaucer: ouvrir un superbe restaurant. Nous voilà donc face à une princesse moderne, une femme active, une travailleuse, plus ambitieuse que rêveuse(pas comme Cendrillon!). En somme, elle vole à sa meilleure amie ET la vedette (puisque c'est Charlotte qui rêvait d'épouser un prince) ET un peu d'argent (puisque c'est Charlotte qui aide Tiana à payer son restaurant). Mais fi de la psychologie réaliste! Charlotte n'est qu'un personnage secondaire, on lui laisse sa joie de vivre à la fin du film et on ne pose pas de question sur son avenir! Et puis Tiana n'est pas non plus une arriviste. Elle n'a jamais fait la quête auprès de son amie et n'a pas fait exprès de lui chipper son homme, à ce qu'on sache!

Le conte déconstruit


Enfin, notons que le film commence à nouveau par une référence au conte initial, mais effectue cette référence d'une façon toute nouvelle. Le dessin animé ne commence pas par l'ouverture d'un vieux livre à reliure de cuir, à enluminures, aux illustrations suranées... comme c'était le cas dans Pinnochio ou Blanche Neige. Mais il commence dans une chambre d'enfant, par la lecture du conte du Roi Grenouille aux deux petites filles qui vont revivre à leur manière cette histoire, quinze ans plus tard. Le fait que la fin du conte soit annoncée dès le début du film nous laisse entendre que ce n'est pas exactement la même histoire qui va nous être racontée par la suite (il n'y aurait plus de suspens si la fin était la même!). Cette entrée en matière affiche donc immédiatement une distance prise par Disney à l'égard du conte traditionnel.

Des efforts de réalisme


Ce qu'il y a de vraiment remarquable dans ce film est sans doute son ancrage historique, encore trop rarement vu chez Disney. On a eu la colonialisation avec Pocahontas, l'invasion des Huns avec Mulan. Ici, pas de dates ni d'événements réels ne viennent interférer avec l'intrigue. On est cependant plongé dans une vraie époque, les années folles à la Nouvelle Orléans, plutôt cohérent pour faire entrer une héroïne noire et redonner à la musique toute son importance. D'infimes détails traduisent un souci d'authenticité, l'anachronie semble assez bien évitée, et quelques illustres noms du jazz sont évoqués ça et là, discrètement...

Reprises maladroites ou rétrospective intelligente ?


Le retour en arrière qui m'a cependant le plus marquée est la reprise de nombreuses scènes d'autres dessins animés Disney. Ce phénomène trahit-il une difficulté à se renouveler, un penchant pour la solution de facilité et les scènes archétypales, ou la volonté d'inscrire ce film dans une esthétique de rétrospective sur les chefs d'oeuvre Disney passés?

Je pense qu'en reprenant des scènes antérieures, la réalisation ne cède pas à la facilité mais marque au contraire la volonté de se renouveler sans pour autant utiliser la nouvelle technologie (3D,etc). Si la Princesse et la Grenouille semble donner lieu à une rétrospective, cette dernière est aussi enrichie par une réflexion moderne. Voilà plusieurs exemples qui approuvent ou discutent ce point de vue:

jeudi 11 février 2010

Une bonne étoile




Quel étonnement de trouver au tout début du film une référence si nette à Pinocchio, avec cette belle étoile qu'il faut prier très fort! Un de ces motifs classiques des contes très connotés Disney que le film va tourner légèrement en dérision. En effet, à chaque moment crucial, Tiana et Charlotte se mettent à prier avec plus ou moins d'empressement fanatique, et tadam! le voeu semble étrangement se réaliser... semble seulement... (Ce serait trop facile!)
Et puis si l'on va encore plus loin, on peut dire que le ciel de Pinocchio se mêle à celui de Simba, puisqu'à la mort de Ray, une nouvelle étoile apparaît aux côtés d'Evangéline. Alors, fée bleu ou amante éternelle? Evangéline est une réincarnation hybride de deux mythes à la Disney!

mardi 9 février 2010

Un transport fluvial animal et amical



Le décor du bayou de Louisianne est moins féérique que la jungle indienne, mais on retrouve cependant de nombreux points communs entre les deux scènes. Louis transportant les grenouilles sur son ventre rappelle Baloo qui faisait de même avec Mowgli. Sa frénésie en chantant "Un humain pour la vie" et le rythme de la chanson sont très proches d'"Il en faut peu pour être heureux". Doit-il son prénom à Louis Armstrong de même que la vieille luciole le devrait à Ray Charles?

lundi 8 février 2010

La bonne aventure

Le film La Princesse et la Grenouille commence avec le personnage du charlatan diseur de bonne aventure. Un point commun avec Robin des bois, puisque le renard ruse d'entrée de jeu en se déguisant en voyante pour ruiner le Prince Jean. Mais le Docteur Facilier n'a pas du tout le look de la voyante Robin des Bois, ni les bonnes intentions d'ailleurs. Il a davantage un côté Mickael Jackson rescucité des morts... (Disney se serait-il inspiré de cette légende humaine plus actuelle que jamais, dont la mort, en plus, est assez discutée?) Notons aussi comment le vaudou est une fois de plus caricaturé, réduit à une "magie noire". Heureusement, il y a le pendant positif du Dr Facilier, Mama Odie!


Mama Odie renvoie encore davantage à Robin des bois. Avec ses lunettes noires elle rappelle Robin déguisé en mendiant, et avec son serpent un peu maltraité elle rappelle la scène de voyance. Dans sa maison en haut des arbres et avec ses paroles énigmatiques, elle a un côté Grand-mère Feuillage. Mais toute l'énergie d'une jeune fille, indispensable pour être la reine du negro-spiritual! Son caractère Gospel est à la fois original et bienvenu dans cette histoire afro-américaine, quoi qu'un peu anachronique.



dimanche 7 février 2010

La métamorphose



L'intrigue de La Princesse et La Grenouille repose sur la résolution de la métamorphose, tout comme l'histoire de La Belle et la Bête. On remarque alors que d'un point de vue esthétique, Disney ne se renouvelle pas, et que les rayons de lumière entrent encore en jeu pour figurer ce phénomène merveilleux. On peut même dire que ça régresse, car la beauté de la transformation de la Bête est inégalée (inégalable?). La métamorphose de nos grenouilles est très rapide, et attendue. La couleur verte de l'animal est reprise par les costumes des mariés. C'est très cliché, c'est même plutôt moche, style guimauve. Et l'émotion n'est pas au rendez-vous. On peut d'ailleurs constater que de manière générale, l'émotion suscitée par des chefs d'oeuvre comme La Belle et la Bête, ou Dumbo, ne se retrouve plus du tout dans les nouveaux Disney, quelque soit les techniques qu'ils emploient, liés à Pixar ou pas. Les scénarios sont moins sensibles, et plus ironiques. C'est ça, la "Nouvelle Génération"??

samedi 6 février 2010

Un loveur maladroit à défaut d'un vrai prince

Si Tiana n'a rien d'une princesse, elle en a pourtant l'étoffe, puisqu'elle multiplie toutes les qualités. Le prince Naveen, tout prince qu'il soit, ne concentre pourtant pas en lui toute la perfection d'un prince de conte de fée. Au début du film, il revète toutes les caractéristiques du Dom Juan. Séducteur à l'italienne, guitare en main, sourire enjôleur... Et ajoutons à cela toute la maladresse et la naïveté d'un jeune homme peu averti et dilettant.
Une fois transformé en grenouille, sa ressemblance avec Aldo est très frappante. Aldo est cette petite grenouille ami de Juliette dans Le Cygne et la Princesse (qui n'est pourtant pas un Disney).




Mais dans son aspect humain, Naveen peut également faire penser à Gaston, qui laisse la Belle indifférente à leur première rencontre, et qui fait pourtant tourner la tête de toutes les autres minettes!






Et pour finir, le larbin de Gaston ressemble beaucoup à celui de Naveen, petit gros jouflu habitué à recevoir des tubas sur la tête !

vendredi 5 février 2010

Baisers bien baveux

Ne peut-on pas reconnaître dans la scène de "l'emballage inopiné" une parodie de La Belle et le clochard ? En effet, c'est le même principe de premier baiser inattendu sur un registre différent. Les deux couples joignent leur bouche au moment du dîner, en ayant voulu manger la même chose. Toutefois, dans La Princesse et la Grenouille, la scène n'a rien de romantique mais s'avère complètement humoristique, limite scabreuse. On retiendra le grand crédo de nos deux héros: "Ce n'est pas de la bave, c'est du mucus!" Tout le film joue d'ailleurs beaucoup sur la fonction du baiser, tendant à le désacraliser. D'abord, il le fait intervenir au tout début, alors qu'il survient dans tous les contes à la toute fin, même dans Le Roi Grenouille de Grimm. Le conte qui a été repris pour le film s'appuyait déjà sur la déconstruction de ce topos de l'amour courtois : on embrasse plus par amour mais par intérêt. Mais Disney va plus loin, en multipliant les moments du baiser:

1° Le baiser du début entre Naveen et Tiana n'a pas l'effet escompté puisque c'est Tiana qui prend l'apparence de Naveen, et non l'inverse.

2° Tiana esquive le premier baiser de Naveen, qui n'était pourtant pas un baiser intéressé mais un vrai baiser de parade amoureuse. Et pour une fois, ce n'est pas un accident extérieur qui vient interrompre le couple (comme c'est le cas pour Arielle et le prince Eric). Tiana refuse gentiment, et semble insinuer qu'il ne faut pas aller trop vite. Toute l'atmosphère de séduction déployée s'avère stérile. Encore une fois, les codes de la séduction classique ne sont pas suivis par Disney.



3° Le baiser entre Charlotte et Naveen ne fonctionne pas non plus, et marque l'indifférence aux codes du conte, puisqu'il ne tient pas compte de l'échéance. L'acharnement de Charlotte achève de banaliser ce geste d'amour en le ridiculisant: la grenouille couverte de rouge à lèvre reste grenouille.

4° C'est le baiser final entre Naveen et Tiana, le baiser d'amour qui celle le mariage, qui s'avère salvateur. Sous-entendu: c'est lorsque le baiser est le plus sincère qu'il est véritablement efficace! Ce dernier baiser procède à une double métamorphose. On pourrait penser que l'histoire va s'arrêter là, par le mariage des deux grenouilles dans un univers Poucelina. Et tout est bien qui finit bien, ils vécurent heureux et eurent beaucoup de tétards! Mais ce serait oublier que le but de toute l'histoire est la réalisation du rêve de Tiana: ouvrir un restaurant luxueux.

Bref, de quoi décomplexer les petites filles face aux baisers des amoureux. Et vive les bisous bien baveux, en veux-tu, en voilà!

jeudi 4 février 2010

Parade amoureuse sur l'étang des lucioles





Après un rapprochement pour le moins radical vient le moment d'une approche plus subtile, plus poétique. Ce moment crucial intervient lors de la chanson des lucioles, et rappelle fortement le Chalalalala de la Petite Sirène. Dans les deux scènes, tous les animaux aquatiques sont mobilisés autours de cet amour naissant, notamment les lucioles. Pas étonnant lorsqu'on apprend que le réalisateur des deux dessins animés est le même!

mardi 2 février 2010

Une demande en fiançaille qui tombe à l'eau


D'abord, l'ambiance du bayou ressemble fort à celle de Bernard et Bianca. De plus, comme Bernard dans Bernard & Bianca au pay des kangourous, Naveen prépare sa demande en fiançaille. Lui aussi ne parvient pas à caser sa demande au milieu de la conversation, vaincu par la timidité et déstabiliser par les paroles de sa belle. On se retrouve à nouveau dans une situation de quiproquo, non plus causée par le "François m'a tout expliqué" mais par un "nous" mal interprété.

lundi 1 février 2010

Au son du jazz


La Princesse et La Grenouille est l'un des rares Disney qui s'inscrivent sur un vrai fond historique. Ici, nous voilà emporté à la Nouvelle Orléans, le berceau du jazz, au temps des années folles, alors que cette musique prend de l'ampleur, traverse l'Océan, vient conquérir Paris, etc. Les chansons du film reprennent différents rythmes de jazz, différentes formes d'instrumentation jazzistiques. Le personnage de Ray qui meure à la fin ne serait-il pas un clin d'oeil au grand pianiste Ray Charles ? Et Louis un Louis Armstrong animalisé ? En tout cas, il n'est pas étonnant qu'on trouve des scènes similaires à celles des Aristochats.




Les Aristochats présentait l'arrivée du jazz à Paris, sans grande cohérence historique cependant puisque l'action se passe en 1910 (voir la fin du générique de début) et que le jazz n'entrera véritablement à Paris qu'en 1917, quand les américains débarquent dans la Première Guerre mondiale. Louis, l'alligator, ressemble beaucoup dans ses mimiques à Scat Cat, le chef du Cat-band. Tous deux sont trompettistes, jovials, bedonnants et un peu canaille avec les étrangers (l'un avec les grenouilles, l'autre avec les souris).

La réplique de Marie, la fille de Duchesse, est également reprise mot pour mot dans La Princesse et la Grenouille : "Oh, comme c'est romantique..."

dimanche 31 janvier 2010

Les voix françaises

Voici comment nos héros se sont mis à parler français...

Autres sites à consulter

Le site officiel du film vous permettra de retrouver le descriptif des personnages principaux et tous les produits dérivés ultra marketing :
http://www.disney.fr/la-princesse-et-la-grenouille/index.jsp



Le site critique du film vous permettra de mieux comprendre les enjeux de ce dessin animé pour la production Disney Studio :
http://www.disneynext.fr/Avant-premi%C3%A8res/la_princesse_et_la_grenouille.htm

Je viens de remarquer qu'un autre site s'était penché sur le film un peu de la même façon que moi, en repérant les ressemblances avec les vieux Disney. Il y a certains points communs avec ce que j'ai déjà dit et beaucoup d'autres choses que je n'avais pas vues, très intéressantes !
http://www.premiere.fr/Cinema/News-Cinema/La-princesse-et-la-grenouille-les-secrets-du-nouveau-Disney/(gid)/2198412

samedi 30 janvier 2010

Autres ressemblances frappantes entre les Disney

Question reprise, Disney a déjà fait bien pire que dans La Princesse et La Grenouille. Dans les vidéos suivantes, ce ne sont même plus des "clins d'oeils" mais bien des "copier-coller"! On peut dire qu'ils ne se sont pas foulés aux studios:


Et oui, c'est toujours la même rangaine.
A quand les princesses danseuses de tecktonik ?


Et les animaux, tous les mêmes!
Bizarre bizarre...

Pourquoi nos dessinateurs s'embêteraient à reprendre la même scène au geste près? Quel intérêt? Quelqu'un a une idée?